Ces chroniques font suite aux chroniques botaniques hebdomadaires publiées en 2024. Elles deviennent toutefois erratiques au gré des découvertes et des envies.
La soldanelle des Alpes (Soldanella alpina L.). 30 mai 2025 Breonna (VS)

Alors que la neige a désormais fondu jusqu’au-delà de 2000 m d’altitude, on se réjouit de monter en altitude voir les premières fleurs apparaître après la neige. Ces balades sont immanquablement enrichies par la soldanelle des Alpes. J’emploie à dessein le terme d’enrichie puisque cette plante est le « sou des Alpes ». Comme la solde et le soldat (celui qui reçoit la solde) son nom dérive en effet du latin solidus, le sou, en référence aux feuilles en forme de pièces de monnaie. Bien que toute petite (5-15 cm) elle se remarque facilement par le bleu violacé de ses fleurs dans le gris des herbes sèches à peine dégagées de la neige. Elle se présente sous la forme d’une tige surmontées généralement de 2 ou 3 fleurs pendantes. Ces fleurs ont une corolle en entonnoir découpé en lanière et longue de 1 à 1,5 cm. Ses feuilles sont rondes comme une pièce de monnaie de 1 à 3 cm de diamètre. Elles peuvent résister à une température de -20°. Elles survivent d’ailleurs sous la neige et persistent généralement 2 ans. C’est dire si elles sont bien adaptées aux dures conditions alpines.
Les soldanelles forme un genre comprenant entre 15 et 17 espèces selon les auteurs, qui se ressemblent toutes et s’hybrident en partie. Elles se caractérisent par des fleurs pendantes aux pétales laciniés plus ou moins violacés ainsi que par des feuilles entières et coriaces. Ensemble, elles ont une aire naturelle restreinte à une partie de l’Europe, de l’Espagne à l’Ukraine, jusqu’à l’Allemagne et la Pologne au nord. Chaque espèce a toutefois une répartition généralement assez restreinte (par exemple Soldanella calabrella à la Calabre S. sacra à la Campana, S. hungarica à la Roumanie et l’Ukraine, S. villosa aux Pyrénées, etc.) Soldanella alpinafait exception avec une présence sur l’ensemble des Alpes. Malgré leurs ressemblances évidentes, les soldanelles se divisent en 2 groupes : la section tubiflora avec des pétales divisés jusqu’au tiers seulement et dont fait partie la Soldanella pusilla, la seule autre espèce présente en Suisse; la section soldanella à pétales divisés jusqu’à la moitié ou davantage, dont font partie la majorité des espèces dont Soldanella alpina. Toutefois cette distinction morphologique n’est pas soutenue sous l’aspect phylogénétique. Le genre serait né tardivement au quaternaire (entre 1,6 et 0,9 MA), probablement à partir des genres (ou de leur ancêtre) Omphalogramma et Bryocarpum, 2 genres montagnards himalayens.  |
Soldanella pusilla |
Leurs ancêtres auraient donc migré depuis l’Asie centrale durant l’un des premiers interglacaires. Par la suite les épisodes glaciaires ont isolé les populations et le pattern actuel d’espèces à aire de répartition et morphologies plus ou moins disjointes seraient le résultat de leurs réactions différentielles aux oscillations climatiques du quaternaires en termes de changements des aires distributions tant latitudinales qu’altitudinales. Elles ont donc subi des phases d’expansion et de contraction dans des refuges ce qui a abouti au résultat actuel. Toujours est-il que ces petites plantes se sont adaptées à des conditions hivernales très rudes. Les soldanelles alpines ont notamment la capacité de réémettre une partie du rayonnement solaire pour faire fondre la neige sur ses feuilles ou autour. Ses capacités lui permettent d’être très présente dans les combes à neige, ces petites dépressions où la neige reste longtemps. Elles apparaissent donc dès que la neige fond, à partir de 500 m d’altitude en avril, jusqu’à 3000 m en juillet.
Les Chroniques botaniques sont toujours en vente.
Avec ses 230 pages et plus de 700 photos vous retrouverez toutes les chroniques. Il est disponible à la Société botanique de Genève pour seulement 20.-CHF (frais d'envoi en sus) https://socbotge.ch/. Il suffit d'écrire à secretaire@socbotge.ch. Présent également dans quelques librairies à Genève (Vent des Routes, Kiosque du Boulevard) et ailleurs.
Et n’oubliez surtout pas de partir vous-même découvrir les mille facettes de notre très belle biodiversité végétale, de vous laisser surprendre et de vous émerveiller.
A bientôt !